A la découverte d'un site et d'une histoire remarquable...
Bienvenue sur le site de l'ancienne Usine de Chaux et Ciments Romain Boyer à Roquefort-La-Bédoule !
C'est un plaisir de vous guider virtuellement à travers ce lieu chargé d'histoire, qui fut l'objet de mon Projet de fin d'étude en architecture à l'ENSA Marseille - récompensé par le 1er Prix des Diplômes en 2021.
Ce site, témoin unique d'un riche passé industriel, a façonné l'identité et le développement de la commune. Préparez-vous à une découverte pas à pas, où chaque pierre raconte une histoire.


Avant de commencer :
Un peu de contexte
L'usine que vous allez découvrir a connu son apogée sous la direction de la Société des Chaux et Ciments ROMAIN BOYER & Cie à partir de 1885. Elle a été un fleuron de la production de chaux et ciments de qualité, rayonnant à l'échelle internationale pendant près d'un demi-siècle avant de cesser sa production en 1934.
À son apogée, en 1913, l'usine Romain Boyer produisait à elle seule plus d'un quart de la production des Bouches-du-Rhône, alors troisième département producteur de France. Sa renommée s'étendait à l'international, avec des exportations vers le bassin méditerranéen, l'Afrique du Nord et l'Afrique Occidentale. Ses produits furent utilisés pour des constructions de prestige telles que le canal de Marseille ou le port de la Joliette.
Cette épopée industrielle a profondément transformé Roquefort-la-Bédoule, la faisant passer d'un modeste hameau agricole à un bourg industriel dynamique, déplaçant son centre de vie avec le développement du village de la Bédoule et multipliant sa population par l'arrivée massive de main d'œuvre majoritairement Italienne.
Ce fut la dernière et la plus vaste des cinq cimenteries de la commune. Aujourd'hui, bien que marquée par le temps, l'usine, alors dernier témoin physique de cette épopée, se dresse encore fièrement, nichée dans un environnement naturel privilégié.


Une machine à produire :
Les secrets d'une incroyable épopée
L'histoire de l'Usine est intimement liée à la richesse géologique de Roquefort-la-Bédoule, avec ses gisements de marnes et de calcaires, et à l'invention du ciment de Roquefort par M. Villeneuve.
Face aux qualités révolutionnaires de ce ciment et aux besoins croissants en matériaux de construction dans les Bouches-du-Rhône, la Compagnie Marseillaise des Ciments du Midi commanda en 1881 la construction de cette usine à des ingénieurs de la prestigieuse École Polytechnique, élèves de Rondelet et Durand. Achevée en 1885, elle fut cédée à la Société Romain Boyer & Cie qui lui donna son nom.
Son secret ? Implantée stratégiquement entre une carrière de marnes et une carrière de calcaires, sa prospérité et son efficacité reposaient sur des équipements modernes et une conception ingénieuse en gradins. En utilisant la gravité pour optimiser chaque étape de la transformation, cette conception permettait d'acheminer la matière première et les produits en transformation du haut vers le bas, profitant au maximum des lois de la gravité pour une production rationnelle et économique.
Cette organisation sophistiquée permettait de produire de A à Z et d'expédier, depuis un seul site, plusieurs types de ciments, de la chaux hydraulique, des briques de ciment et des carrelages, le tout conditionné directement sur place grâce à une sacherie et une tonnellerie.




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Notre visite commence ici, devant ce qui fut le pôle administratif de l'usine. Imaginez l'effervescence : les bureaux directoriaux et l'horloge qui rythmait la vie des ouvriers.
La journée de travail était longue et ardue, comme en témoigne le "Tableau des heures de travail" de 1913. Les conditions de vie et de travail étaient difficiles, menant à d'importantes grèves dès 1901 pour les dénoncer. C'est ici que se prenaient les décisions stratégiques, mais c'est aussi ici que commençait la dure journée des travailleurs.


Le Pôle Administratif :
Le Cœur Battant (et Rigoureux) de l'Usine




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Dirigeons-nous maintenant vers l'ancienne carrière de calcaire. C'est d'ici qu'était extraite l'une des matières premières essentielles à la fabrication du ciment et de la chaux. L'extraction se faisait manuellement à ses débuts, à la barre à mine, pelle et pioche, avant l'introduction de l'abattage explosif. Cette carrière, bien que séparée des chaînes de fabrication par environ 400 mètres et une dénivellation de 21 mètres, était le point de départ de tout le processus.


La Carrière de Calcaire :
La Source de Tout
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Suivons maintenant le tracé des anciennes voies. Pour acheminer le calcaire, un système sophistiqué de wagonnets sur rails, couplé à un monte-charge hydraulique, fut mis en place. Ces wagonnets empruntaient une galerie souterraine pour rejoindre le monte-charge.
Anecdote : Après la fermeture de l'usine, ces galeries, grâce à leurs "conditions hygrométriques propices", ont connu une seconde vie inattendue et furent réutilisées pour la culture de champignons de Paris.


Sur les Rails :
Des Wagonnets...
aux Champignons
Carrière de calcaire
Carrière de marne
Monte-charge
Rails & wagonnets
Galeries
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Nous longeons maintenant l'emplacement de ce qui fut l'unité de broyage et de conditionnement de la chaux en partie basse. Malheureusement, une grande partie de cette unité, y compris l'une des deux façades Nord emblématiques avec ses bannières "CHAUX ET CIMENT DU MIDI" et "ROMAIN BOYER ET COMPAGNIE", a été démolie entre 1992 et 1995. Aujourd'hui, un hangar classique a pris sa place. Essayez d'imaginer la structure originelle et l'activité qui y régnait.
L'Unité de Conditionnement de la Chaux :
Un Fantôme du Passé




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Nous passons devant l'ancien grand bassin de rétention des eaux de pluies. Ce bassin témoigne de l'importance cruciale de l'eau dans le processus de fabrication de la chaux et du ciment. L'eau était obtenue essentiellement par la collecte des eaux pluviales via d'ingénieux réseaux qui les redirigeaient vers cette structure. Aujourd'hui, ce bassin a été remblayé et la surface est plane.
Anecdote : Cette structure n'était pas unique ; la commune en comptait plusieurs pour subvenir aux besoins de l'industrie. Les habitants prenaient plaisir à se baigner dans ces "piscines XXL" lors des fortes chaleurs estivales.


Le Bassin de Rétention :
L'Or Bleu de l'Industrie


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La sacherie et la tonnellerie permettait la fabrication de sacs en toile de jute et de tonneaux qui étaient ensuite utilisés pour l’ensachage. Le tonneau ou le sac était placé sous les déversoirs des silos situés dans les unités de conditionnement, pour être rempli.
Enfin, le produit fini ensaché était acheminé, d’abord par des voituriers en charrette puis par camions dans les dernières années d’exploitation. Les produits étaient acheminés jusqu'à la gare de Cassis afin d’être expédié sur le territoire par train ou vers le port de Cassis pour rejoindre ensuite le port de Marseille pour l’exportation à l’étranger.


La Sacherie / Tonnellerie :
Prêt à expédier !


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Nous arrivons devant un véritable trésor : l'unité de broyage et de conditionnement du ciment. Observez attentivement sa façade Nord, un témoin remarquable de l'architecture industrielle de l'époque, conçue avec un soin particulier. Elle reflète une époque où l'industrie affichait sa puissance économique et politique à travers une composition classique, avec ses colonnes doriques, son fronton et ses percements en arc surbaissé qui lui confèrent une certaine monumentalité. C'est l'un des bâtiments les mieux conservés dans son enveloppe extérieure.


L'Unité de Conditionnement du Ciment :
Un Joyau Architectural




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C'est grâce à la vision d'entrepreneurs comme Romain Boyer que l'usine posséda, dès 1891, sa propre centrale électrique, bien avant le village lui-même! Augmentant ainsi sa production de 200%, l'usine rayonna à l'international, produisant en 1913 plus de 100 000 tonnes de ciment, contribuant à des ouvrages majeurs et marquant l'apogée de l'industrie cimentière régionale.
Anecdote : Toujours en quête de plus de productivité, M. Boyer fut également à l'origine de l'arrivée du téléphone dans la commune. Il imagina même un projet de liaison ferroviaire directe entre Roquefort-la-Bédoule et Cassis pour faciliter l'expédition, mais malheureusement, celui-ci ne vit jamais le jour, faute de soutien des autres industriels.


La centrale Electrique :
Un coup d'avance sur la ville
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Continuons vers l'emplacement de l'ancienne unité de fabrication de la chaux. Contrairement à sa voisine dédiée au ciment, cette structure a largement disparu. Suite à la fermeture, les bâtiments furent systématiquement dépouillés de leurs matériaux de valeur comme le bois, l'acier, les briques et les tuiles. La disparition des couvertures a notamment exposé les structures aux intempéries, accélérant leur dégradation.
Anecdote : Des incendies et explosions ont été délibérément causés sur le site lors du tournage de certains films, comme "Tabor" en 1954.


L'Unité de Fabrication de la Chaux :
Évanouie mais Pas Oubliée
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Montons maintenant sur la plateforme la plus haute pour admirer ce qui reste de l'imposante unité de fabrication du ciment, avec ses fours droits continus. Quelle architecture ! Ces murs robustes, percés de larges ouvertures pour la ventilation, abritaient des fours cylindriques où le "clinker", composant de base du ciment, était produit à près de 1400°C.
Pourquoi tant de dégradations ? Après la fermeture, la société Lafarge fit démolir les planchers des grandes unités pour limiter les taxes foncières. Ensuite, les habitants, souvent au chômage, ont récupéré les matériaux de valeur. C'est ce qui explique la disparition des couvertures et des fours eux-mêmes.
Anecdote : Regardez ces murs. Ils sont un exemple de "circuit court" avant l'heure ! Ils ont été construits avec les matériaux extraits sur place : la pierre calcaire et la marne des carrières attenantes, liées avec un mortier de chaux, elle-même produite ici. Une véritable symbiose entre le lieu et sa construction.


L'Unité de Fabrication de la Chaux :
Le Clou du Spectacle




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Terminons notre ascension en nous rendant sur la plateforme de l'ancienne carrière de marnes (la "pierre à chaux" ). D'ici, vous avez une vue imprenable sur le site et son environnement. Ces fronts de taille gris bleu, sous le soleil, créent une atmosphère unique.
Nous nous trouvons au sein d'une zone naturelle protégée, la ZNIEFF géologique n°1373G00 dite "Stratotype du Bédoulien". Cette zone porte son nom du célèbre stratotype : référence géologique internationale, unique en Europe, et mis à jour grâce à l'exploitation de ces carrières.


La Plateforme de la Carrière de Marnes :
Un Panorama Protégé


Malgré sa prospérité, l'Usine Romain Boyer a succombé à une série de défis. Des problèmes logistiques insolubles, tels que l'acheminement des matières et des produits finis et une alimentation en eau devenue insuffisante, ont freiné sa croissance. À cela se sont ajoutées les secousses sociales, avec d'importantes grèves ouvrières dénonçant les rudes conditions de travail, l'impact de la Première Guerre mondiale, puis la crise de 1929.
Face à une concurrence internationale féroce et une production devenue trop onéreuse, l'usine, rachetée par Lafarge en 1926, cessa définitivement ses activités en 1934.
S'ensuivit une période de démantèlement laissant les structures à la merci des éléments et expliquant en partie leur état actuel.
Le Déclin d'un Géant :
Les Raisons de la Fermeture




Véritable âme du patrimoine historique de Roquefort-la-Bédoule, ce paysage industriel étonnant par son architecture et son vécu poursuit son aventure. Aujourd'hui, il bat au rythme de quatre ateliers d'artistes permanents – peintre, sculpteur, céramiste et photographe – tous touchés par l'énergie singulière du lieu et désireux de le préserver.
Pour ce faire, ils ont fondé l'association du « Collectif AMONITE ». L'âme et la vision de ce projet sont portées par sa présidente, l'artiste Isabelle Litschig, dont vous pouvez découvrir le travail ici : www.litschig.com. Ce pôle de création artistique cohabite harmonieusement avec d'autres ateliers d'artisans (menuiserie, ferronnerie, restauration de voitures anciennes, décoration florale), faisant du site un carrefour unique de culture et de savoir-faire où la vie et l'action reprennent leurs droits.
Fidèles à leur engagement de partage, les artistes du collectif ouvrent leurs portes chaque année au mois de juin, et convient le public à partager leur univers. En cette année 2025, le rendez-vous est donné, le 14 et 15 juin, pour un moment d'exception. Ne manquez pas cet événement culturel annuel !


Le Collectif Amonite :
Quand l'Art Fait Revivre le Patrimoine


PORTES OUVERTES des Ateliers d'Artistes "Amonite"
Dates : Samedi 14 et Dimanche 15 Juin
Horaires : De 10h00 à 20h00
Lieu : Route de Cassis N°1022,
Quartier Les Fourniers,
13830 Roquefort-la-Bédoule
Notre visite touche à sa fin. Que deviendra ce site exceptionnel ?
Le devenir d'un tel patrimoine industriel est un processus au long cours, qui implique une concertation entre tous les acteurs. La réflexion menée par la commune et la métropole, qui s'appuie notamment sur l'étude d'Orientation d’Aménagement et de Programmation (OAP n° RLB-01), vise à définir le projet le plus juste pour concilier préservation mémorielle, développement et respect du cadre naturel.
Mon mémoire explorait des pistes de reconversion, et l'on entend parler de divers projets. Ce qui est certain, c'est que la présence d'artisans et d'artistes, à l'instar du Collectif AMONITE, est une contribution particulièrement significative. Elle assure non seulement une continuité de vie et d'activité, mais elle sert aussi de laboratoire d'idées et de démonstrateur du potentiel d'une réhabilitation vivante.
L'enjeu partagé est donc de poursuivre et d'enrichir le dialogue entre cette dynamique créative locale et la planification territoriale à plus grande échelle. L'objectif commun est de faire converger toutes les énergies vers un projet d'ensemble cohérent, qui valorise l'histoire unique de l'usine Romain Boyer et renforce l'identité de Roquefort-La-Bédoule en s'appuyant sur les forces vives déjà à l'œuvre..
L'enjeu est de taille : comment réhabiliter ce patrimoine, témoin du labeur de générations et moteur du développement de Roquefort-La-Bédoule, tout en respectant son cadre naturel et sa valeur mémorielle? La préservation de l'usine Romain Boyer est cruciale, non seulement pour la mémoire collective mais aussi pour affirmer l'identité d'une commune façonnée par cette industrie.


Quel Avenir pour Romain Boyer ?
Entre Mémoire et Projets


Merci d'avoir suivi cette visite virtuelle !
J'espère qu'elle vous a permis de mieux comprendre la richesse et la complexité de l'ancienne Usine Romain Boyer. N'hésitez pas à explorer davantage ce site et à partager vos impressions. Ce lieu est une page vivante de notre histoire locale.




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